Le texte suivant est rédigé par Me Philippe Maltais, avocat au cabinet Dunton Rainville Avocats et Notaires, notre partenaire de la série Les Inspirant.e.s pour la saison 24-25.
Dans le cadre d’une vente d’entreprise, le prix est souvent perçu comme l’élément central de la transaction. Pourtant, la convention d’achat-vente comporte bien d’autres dispositions qui méritent une attention tout aussi grande. Certaines d’entre elles peuvent entraîner des conséquences importantes une fois la vente conclue. C’est le cas des représentations et garanties ainsi que des clauses d’indemnisation qui leur sont associées, lesquelles sont souvent mal comprises.
Qu’est-ce qu’une représentation ou une garantie?
Dans la convention d’achat-vente, le vendeur donne une série de déclarations à l’acheteur sur plusieurs aspects de l’entreprise. Il affirme, par exemple, que l’information présentée aux états financiers est exacte, que l’entreprise détient tous les permis nécessaires à son exploitation, qu’aucun litige n’est en cours, ou encore, que les contrats avec les clients sont valides.
Ces déclarations — appelées « représentations » — s’accompagnent d’une garantie : le vendeur assure qu’elles sont vraies et complètes à la date de clôture. Si ce n’est pas le cas, ce dernier pourrait être tenu de dédommager l’acheteur.
Les déclarations sont cruciales puisqu’elles influencent directement le prix offert par l’acheteur et sa décision de conclure la transaction.
Que sont les clauses d’indemnisation?
Les clauses d’indemnisation permettent à l’acheteur d’être indemnisé pour toute perte subie en lien avec une déclaration donnée par le vendeur.
Si l’une d’elles est fausse ou incomplète, l’acheteur peut :
- réclamer une compensation financière (indemnisation);
- faire valoir une retenue prévue au contrat;
- ou même contester la validité de la vente dans les cas graves.
Il n’est pas toujours nécessaire que le vendeur ait menti intentionnellement. Une erreur, une omission, une mauvaise évaluation d’un risque ou un simple oubli peunt suffire à engager sa responsabilité.
Les clauses d’indemnisation font généralement l’objet de négociations. On y fixe dans la majorité des cas :
- un plafond d’indemnisation c.-à-d. le montant maximal qui peut être réclamé au vendeur, et ce, malgré le montant de la perte subie par l’acheteur;
- un seuil minimal de réclamation c.-à-d. que l’acheteur ne pourra être indemnisé que lorsque le montant total des pertes qu’il a subies excède un certain montant, et;
- un délai pour faire valoir les recours.
Une décision récente illustre concrètement les conséquences que peuvent entraîner des représentations inexactes.
Cas pratique tiré de la jurisprudence
Dans Gosselin et Boilard inc. c. Gestion Raynald Boilard inc.[1], le tribunal a partiellement accueilli la demande de l’acheteur, lequel réclamait une réduction du prix de vente en raison de représentations inexactes concernant l’état des équipements, de l’immeuble et la rémunération des employés. Concernant ce dernier point, le tribunal a constaté que l’annexe remise par le vendeur au moment de la transaction présentait les salaires de 2018, alors que ceux en vigueur au moment de la vente en 2019 étaient plus élevés. Cet imbroglio, tel que le tribunal le qualifie, provenant probablement d’un manque de communication entre le vendeur et ses conseillers[2], a suffi pour justifier une indemnisation. Résultat : une somme de 20 000 $ a été accordée à l’acheteur au titre de cette réclamation précise, excluant les montants relatifs aux autres aspects contestés de la transaction. La décision confirme qu’une représentation inexacte, même de bonne foi, peut entraîner une responsabilité post-transaction.
Ce que les vendeurs doivent retenir
- Lisez et comprenez ce que vous affirmez dans la convention d’achat-vente. Il ne s’agit pas que d’une simple formalité.
- Divulguez clairement toute information pertinente, même si elle vous semble mineure. Ce que vous déclarez dans la convention vous protège : une fois l’information divulguée, l’acheteur ne peut prétendre qu’il en ignorait l’existence.
- Négociez les limites de votre responsabilité. Elles sont essentielles pour éviter que des montants importants vous soient réclamés après la transaction.
En conclusion
Vendre une entreprise, c’est aussi engager sa responsabilité à l’égard des informations transmises à l’acheteur. Les déclarations contenues dans la convention d’achat-vente peuvent avoir des conséquences bien au-delà de sa signature. Un encadrement juridique rigoureux et une divulgation complète demeurent vos meilleurs alliés.
Notre cabinet accompagne régulièrement des entrepreneurs dans le cadre d’acquisitions ou de ventes d’entreprises. Il nous fera plaisir de vous conseiller à chaque étape pour sécuriser la transaction, limiter les risques et protéger vos intérêts!
[1] Gosselin et Boilard inc. c. Gestion Raynald Boilard inc., 2025 QCCS 407;
[2] Ibid, par 132;