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Comment décoder vos interlocuteurs lors d’une vidéoconférence?

24 novembre 2020 Perfectionner son leadership
Mariève Constantineau 5 minutes

Nous ne sommes pas sans savoir que la synergologie est une science complexe. Dans le cadre d’une formation branchée sur le sujet, notre experte Annabelle Boyer, spécialiste en comportement humain, nous a fait part des signes distinctifs pour analyser les réactions et états d’âme de nos interlocuteurs lors de vidéoconférences.

 

Pourquoi devriez-vous porter une attention particulière au non-verbal de vos interlocuteurs?

Vous animez une réunion sur Meet, présentez un rapport via Teams ou encore réalisez une formation sur Zoom. Dans les trois cas, vous parlez plus que vos interlocuteurs, qui eux, on l’espère, vous écoutent! Comment savoir si vos interlocuteurs sont en écoute active? Et surtout, comment s’en servir pour ajuster vos communications?

Tout d’abord, il faut prendre en considération l’effet 2D de la vidéoconférence. La position et le regard de votre interlocuteur sont différents dans le cadre d’une vidéoconférence que dans une salle de réunion. De plus, le mobilier, l’appareillage électronique utilisé et les problèmes techniques y étant reliés sont plusieurs éléments à prendre en compte dans l’analyse des comportements non verbaux. N’oubliez pas non plus les distractions hors champ de caméra. Un monde de distractions s’offre à vos interlocuteurs et contrairement à une réunion en salle, vous ne voyez pas ces mêmes distractions qui peuvent capter le regard et détourner l’attention de vos interlocuteurs.

Saviez-vous que 10 % de notre communication passe par les mots et 90 % par le corps?

Parle-t-on moins lors d’une rencontre en vidéoconférence?

L’anxiété liée à la prise de parole, les difficultés techniques ou la peur de couper la parole ne sont que quelques exemples de situations où vos interlocuteurs choisissent de ne pas intervenir dans la rencontre. Le délai lié à l’ouverture du micro et à la prise de parole fait en sorte que plusieurs personnes peuvent parler en même temps ou encore se couper la parole, parfois même sans s’en rendre compte. De toute façon, seulement 10 % de la communication est verbale, c’est pourquoi il est d’autant plus pertinent de porter une attention au non verbal.

Pour poursuivre votre introduction à l’analyse du non verbal à distance, nous vous présentons les deux principes les plus simples à analyser, soit la position assise et les axes de tête.

La position sur la chaise

Toutes sortes de positions sont observées chez les gens et chacune nous informe sur l’intérêt ou le sentiment de l’autre. Voici donc certains signes et interprétations. À noter que les positions sont prises en compte selon le côté de la personne que vous analysez, il faut donc être vigilant par rapport à l’effet miroir. Mise en garde supplémentaire, il faut prendre en compte le genre de mobilier utilisé pour bien analyser, car certaines chaises peuvent être, par exemple, plus inclinées ou chancelantes ce qui biaiserait les signes.

  • Inclinaison vers l’avant

Une inclinaison du corps vers l’avant-centre de la chaise indique l’intérêt de la personne quant à votre propos. À cela peut s’ajouter une inclinaison du corps vers l’avant-gauche qui indique que la personne veut faire partie de l’échange, mais n’a pas d’argument quant à la discussion. Au contraire, une inclinaison du corps vers l’avant-droite indique que la personne porte un grand intérêt et est prête à échanger des arguments forts. Cela pourrait aussi être perçu comme une attaque.

  • Inclinaison latérale

Si la chaise de votre interlocuteur a des appuis-bras, les inclinaisons latérales peuvent aussi être remarquées. Les gens moins habitués avec la vidéoconférence, qui trouvent cela intimidant, ont tendance à se pencher sur le bras gauche du fauteuil. Quant au côté droit, le stress de performance peut être ressenti, par exemple dans une rencontre d’évaluation, une entrevue, etc.

  • Inclinaison vers l’arrière

Si vous vous rendez compte que la personne à qui vous vous adressez bascule son corps vers l’arrière, cela est représentatif d’un désintéressement. Lorsque beaucoup d’informations sont véhiculées ou que la rencontre s’étire, certains pourraient en effet démontrer cette attitude. Plus précisément, si le corps est penché vers l’arrière-gauche, vous avez tout de suite une indication de fuite, donc qu’il est temps de conclure. Ou alors, la bascule vers l’arrière-droit, et même ajouté à la main au visage, peut indiquer l’analyse et la réflexion.

Des combinaisons de ces positions peuvent en dire énormément. Par exemple, vous parlez avec un client et vous remarquez qu’il croise les jambes, s’installe sur la fesse droite pour ensuite basculer vers l’avant-droite. Soyez prêt! Il a pris le temps de bien analyser les faits et les données dont vous faisiez part et est maintenant prêt à argumenter. En comprenant bien ces signes, vous pouvez ajuster votre discours et préparer la suite de la rencontre.

Malheureusement, l’effet 2D de l’écran comme quand on regarde la télévision, fait en sorte que l’audience a tendance à être moins concentrée et à arborer la position de retrait vers l’arrière. C’est pourquoi il est important de vous assurer de favoriser les interactions tout au long de vos rencontres et ainsi maintenir l’intérêt et l’engagement de l’auditoire.

L’axe de tête

Il y a trois axes de tête potentiels.

  • L’axe sagittal (de haut en bas)

L’axe sagittal indique le rapport hiérarchique avec l’interlocuteur, donc la supériorité versus l’infériorité. Notamment, si vous rencontrez un employé pour lui faire part d’un comportement à corriger, mais qu’il n’est pas d’accord avec votre reproche, il aura tendance à garder la tête levée, tandis que s’il est conscient de l’erreur, le menton sera dirigé vers le sol. Il faut toutefois faire attention de ne pas confondre les réactions de la tête dans cet axe lorsque, par exemple, il y a un élément de surprise.

  • L’axe rotatif (de gauche et droite)

L’axe rotatif est le plus intéressant pour déterminer comment la personne vous perçoit. Si la personne est détendue et en confiance en votre présence, inconsciemment, elle présente le côté gauche de son visage. Par contre, si l’interlocuteur se méfie de vos propos ou est stressé il vous regardera avec le côté droit du visage. Il peut évidemment y avoir des moments où présenter le côté droit est normal et bien vu. Pensez notamment à une discussion budgétaire, ou l’annonce d’un changement important dans l’organisation.

  • L’axe latéral (où l’oreille va vers l’épaule gauche ou droite)

L’axe latéral vous renseigne sur le rapport empathique. Donc, si votre interlocuteur à la tête penchée sur son épaule gauche il présente des signes d’empathie et d’écoute. Autre fait intéressant, si vous êtes en train de parler et que la personne penche du même côté que vous, en effet miroir, elle vous démontre sa confiance. L’inclinaison contraire pourrait expliquer un lien moins fort. Petit truc à cet effet, pendant une discussion, modifiez votre axe latéral pour voir si votre interlocuteur modifie aussi sa position. Cela pourra vous donner un bon indice!

L’importance de la voix 🔈🔉🔊

Des études en psychologie ont démontré que les gens ayant une voix plus grave étaient perçus comme ayant un meilleur leadership. La voix aiguë est plutôt associée à la colère ou l’anxiété.

Quant à la vitesse d’élocution, si le débit est lent et constant, vous démontrez la maîtrise de votre propos. En effet, il vous est surement arrivé de parler plus rapidement lors d’une allocution importante ou devant une plus grande foule en raison du stress. Contrôler le débit est tout à votre avantage dans la perception de votre crédibilité.

Un mensonge peut être identifié par la rapidité d’élocution lorsqu’il est raconté pour la première fois, ou même par l’absence des ondulations dans le ton de la voix, car la personne se concentre davantage sur le contenu de l’histoire que sur la façon dont est livré le message.

D’autres éléments sont aussi liés au stress, notamment l’utilisation d’une syllabe de façon répétitive, aussi appelé tic de langage (eumm, donc, etc.), une hésitation, un blanc de mémoire ou encore l’apparition d’une petite toux nerveuse. Dans tous les cas, une bonne préparation peut vous aider à surmonter partiellement ou totalement ces obstacles à la livraison adéquate de votre message.

Soyez conscients de ces notions pour vous-même, mais aussi lorsque vous écoutez parler vos interlocuteurs. Vous en apprendrez plus en portant attention à la façon dont est livré le message.

Restez à l’affut des changements de positions, de débit de parole et des mouvements de tête! En effet, la modification des comportements en dit bien plus, parce que vous pourrez définir l’évolution de la compréhension, de l’émotion et de l’intérêt de votre interlocuteur.

Évidemment, ces trucs sont loin d’être infaillibles et plusieurs autres aspects sont à prendre en compte pour bien décortiquer le non verbal.  Néanmoins, amusez-vous à bien observer!

Pourquoi les appels vidéoconférence sont-ils épuisants ? 😴

Toutes ces notions sur le non-verbal sont fort intéressantes, mais encore faut-il être capable de les percevoir. En présence, il est facile de voir un hochement de tête d’un collègue, un doigt légèrement levé pour indiquer qu’on désire prendre la parole ou encore un soupir qui indique une certaine lassitude. Avec le virtuel, certains de ces éléments ne sont pas perceptibles ou sont difficiles à analyser. Pensez-y, vos collègues sont sur muet pendant que vous parlez, vous ne pouvez pas déceler leur respiration. L’écran gèle quelques secondes, vous n’en faites pas de cas puisque vous ne semblez pas avoir perdu d’informations importantes. Or, votre collègue a peut-être hoché de la tête ou démontré un autre signe que vous auriez pu décoder.

Durant toute la durée de l’échange en virtuel, votre cerveau travaille beaucoup plus fort pour décoder le non-verbal que pendant une rencontre en personne. S’ils sont plusieurs, vos interlocuteurs apparaissent chacun dans une minuscule case. Il est dès lors, bien plus difficile de percevoir les expressions faciales ou les changements de postures de chacun.[1] Chaque interlocuteur vient aussi avec son propre décor, ses distractions et peut être même des membres de la famille qui passent en arrière-plan. C’est un monde de distractions qui cherche à attirer l’œil. Une case vous est aussi dédiée à l’écran et il faut l’avouer, ce n’est pas naturel et parfois même déstabilisant de se voir soi-même![2] C’est parfois plus fort que nous de focaliser sur une mèche de cheveux ou une cravate de travers, plutôt que sur nos interlocuteurs.

En sommes, soyez indulgents avec vous-mêmes, les contraintes techniques rendent difficile l’analyse complète du non-verbal. Gardez en tête ces limites et faites de votre mieux pour ajuster vos communications en virtuel.

Sources :
[1] https://lactualite.com/societe/pourquoi-les-reunions-videos-sont-elles-si-epuisantes/

[2] https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/zoom-fatigue-pourquoi-les-discussions-en-visioconference-sont-si-epuisantes-20200423

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